L’actualité du myélome au congrès de l’International Myeloma Workshop à Paris
Plus de 2 700 médecins spécialistes du myélome, venus de 67 pays différents, se sont réunis à Paris du 3 au 6 mai dans le cadre du 13ème International Myeloma Workshop, une réunion organisée tous les deux ans pour faire le point sur les dernières avancées sur la maladie. Le Dr Margaret Macro, hématologue au CHU de Caen, a partagé avec www.myelome-patients.info celles qui lui paraissent les plus importantes pour les malades.
Cette réunion internationale regroupe médecins cliniciens et chercheurs et permet de faire le point sur les avancées de la recherche biologique et les protocoles d’étude cliniques, terminés, en cours et à venir des différents groupes coopérateurs de recherche sur le myélome. Les sessions permettent de mettre en commun les avancées dans la compréhension et le traitement de cette maladie.
Une recherche active sur la biologie du myélome
La recherche et la découverte d’anomalies génétiques et moléculaires sont à l’origine de nouvelles classifications qui permettent de mieux identifier les différents groupes de malades, et donc de mieux définir les traitements qui leur seront le plus bénéfique.
Ainsi le décodage génétique (séquençage) de cellules atteintes de myélome (les plasmocytes) de 38 malades, vient de faire l’objet d’un article dans la revue Nature, l’une des plus importantes revues scientifiques, et a permis d’identifier de nouvelles anomalies qui vont permettre, dans les années à venir, de mieux définir le niveau de risque de chaque malade et de rechercher de nouveaux traitements spécifiques ou « ciblés ».
L’étude des myélomes dits « haut risque évolutif » a par ailleurs permis de comprendre le mécanisme de certaines rechutes et le caractère « résistant » des rechutes à certains traitements, par exemple au thalidomide et au lénalidomide, et ceci du fait de la perte du récepteur à ces molécules à la surface des plasmocytes. La variabilité des cellules tumorales chez un même patient est un argument pour l’utilisation de plusieurs traitements en association, plutôt qu’une utilisation successive.
Enfin les cellules entourant les plasmocytes myélomateux dans la moelle osseuse (on parle de micro-environnement) font l’objet de recherches concernant notamment les mécanismes de survenue des lésions osseuses. Une substance appelée Activine A, responsable de la perte osseuse au cours du myélome, pourrait être ciblée prochainement par des anticorps contre ses récepteurs.
Les bénéfices d’un traitement de consolidation après autogreffe
Traitement d’induction, autogreffe de cellules souches, traitement de consolidation et peut-être ensuite traitement d’entretien, ce sont aujourd’hui les étapes du traitement initial, après le diagnostic, chez le malade de moins de 65 ans.
Le traitement initial a pour objectif de viser une rémission la plus complète possible avant l’autogreffe et pour cela repose le plus souvent sur une association de 3 médicaments. Le traitement de consolidation est administré après l’autogreffe et vise à améliorer encore les résultats en réponse obtenue après le traitement initial. « Le thème qui devient vraiment central aujourd’hui, explique le Dr Macro, est le rôle du traitement de consolidation qui transforme les réponses partielles en très bonnes réponses partielles et les très bonnes réponses partielles en réponses complètes ; on a montré que cette amélioration de la réponse se traduisait par un allongement de la survie sans progression de la maladie. »
Quant au débat sur la question du traitement d’entretien, c’est-à-dire d’un traitement poursuivi après la phase de consolidation, il se poursuit. Il pose actuellement encore beaucoup de questions, car si un traitement d’entretien par le lénalidomide (Revlimid®) à un impact positif important sur la survie sans progression de la maladie (comme cela a été montré par 3 grandes études, dont l’étude de l’Intergroupe Francophone du Myélome, IFM2005-02), cela n’a pas encore d’impact sur la survie globale. De plus s’est posée la question d’une éventuelle augmentation du risque de deuxième cancer après un traitement prolongé au-delà de 18 à 24 mois. Pour Margaret Macro « non seulement il y a ce problème de toxicité éventuelle, mais nous n’avons pas encore de données sur la survie globale dans l’étude française ; il faudra donc encore attendre 1 à 2 ans pour se prononcer. Ce n’est donc pas aujourd’hui un traitement standard recommandé en pratique courante, d’autant plus qu’il n’y a pas d’Autorisation de Mise sur le Marché pour le Revlimid® en traitement d’entretien après un traitement de première ligne. »
Pour aller plus loin sur le traitement des malades de moins de 65 ans, les protocoles en cours et futurs visent à mieux définir la place de l’autogreffe d’emblée ou seulement à la rechute, du traitement intensif en fonction de la réponse obtenue après induction et de l’impact du traitement de consolidation.
Sujets âgés, trois traitements efficaces
Chez les sujets âgés de plus de 65 ans, la question que se posent les hématologues est de savoir quel est le meilleur traitement, parmi les protocoles reposant sur les molécules récentes. « Après le MPV (MP+Velcade®) et le MPT (MP+thalidomide) quoi de nouveau ? s’interroge Margaret Macro. Le MPR (MP+Revlimid®) sera évalué dans le futur protocole européen et comparé au Revlimid®-dexaméthasone et au carfilzomib (nouvel inhibiteur du protéasome). Les anglais utilisent le VCD (Velcade®, Endoxan® et dexaméthasone), et les américains le Revlimid®-dexaméthasone à faibles doses (Rd) avec un 3ème médicament (carfilzomib, vorinostat ou elotuzumab). Dans ce domaine, les résultats du protocole FIRST chez le sujet âgé (MPT versus Rd) sont très attendus.»Mais la question essentielle est d’identifier les patients qui pourront supporter des schémas plus lourds, plus intenses. Faudra-t-il appliquer ces schémas de traitement à tous les patients ou seulement à ceux qui ont des anomalies chromosomiques de mauvais pronostic ? « Toutes les questions au congrès de l’IMW ont porté sur les difficultés à définir les patients qui peuvent tolérer un renforcement du traitement tout en préservant au mieux la qualité de vie, rapporte le Dr Macro. Le but en effet est d’obtenir la meilleure réponse possible sans payer un prix trop lourd en terme de toxicité, ce qui nécessiterait d’arrêter le traitement trop tôt avant qu’il n’ait eu le temps de faire la preuve de son bénéfice. »
Les bénéfices de la bendamustine en traitement de rechute
Le traitement du myélome par la bendamustine (Levact®) n’est aujourd’hui autorisé en France que chez les personnes âgées qui ne peuvent pas recevoir les traitements standard (MPV ou MPT) du fait de neuropathies au diagnostic. Une ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation) en rechute a été délivrée récemment et a permis de traiter 120 patients qui avaient eu en moyenne 4 lignes de traitement. 60% d’entre eux avaient été autogreffés, tous avaient reçu du Velcade® et 60% d’entre eux du Revlimid®. Les résultats ont été présentés au congrès de l’IMW. « Ce traitement donné en perfusion 2 jours de suite, associé à la prednisone, est globalement bien toléré. Une réponse partielle a été obtenue chez 30 % des patients et dans 20% des cas, il y a eu une stabilisation de la maladie. La bendamustine a donc eu un effet bénéfique chez un malade sur deux. Ce qui est important chez ces patients qui ont déjà reçu tous les traitements disponibles », conclut le Dr Macro.
Une meilleure évaluation de l’atteinte osseuse
Actuellement les clichés radiologiques du squelette restent l’examen de référence pour la détection des atteintes osseuses dans le myélome. Ils sont disponibles partout et peu coûteux, mais les radios ne visualisent pas toujours les lésions. Il faut en effet une perte de masse osseuse d’au moins 20% pour que l’infiltration plasmocytaire osseuse se traduise sur les clichés standard.
Alors quel pourrait être le meilleur examen pour évaluer les lésions osseuses au diagnostic, leur évolution sous traitement et leur réapparition en rechute ? C’était l’un des débats majeurs des hématologues présents à l’IMW à Paris. En effet, s’ils disposent maintenant d’outils fiables pour évaluer la réponse immunologique, c’est-à-dire tout ce qui concerne la cellule tumorale, le plasmocyte, et l’immunoglobuline monoclonale, il reste des progrès à faire en imagerie pour évaluer plus précisément l’atteinte osseuse et la réponse sur la lésion tumorale osseuse après traitement. D’autant plus qu’il y a une différence de survie en fonction du nombre de lésions découvertes au diagnostic, et que certains myélomes, répondeurs au plan immunologique, rechutent sur un mode tumoral qui ne sécrète pas ou peu.
D’où l’intérêt de l’étude que l’IFM démarre parallèlement au protocole chez les sujets jeunes (évaluant le bénéfice de l’autogreffe en 1ère ligne à l’ère des nouvelles molécules) comparant le TEP-Scan et l’IRM classique (squelette axial : rachis + bassin). « Les avantages et les inconvénients sont différents pour ces 2 techniques, rapporte M. Macro. L’IRM n’irradie pas alors que, comme le scanner, la TEP irradie mais, en l’absence d’IRM corps entier qui est très peu répandu actuellement mais dont on a beaucoup parlé à l’IMW, elle a l’avantage d’explorer tout le squelette, y compris le crâne, les cotes et les os longs. L’autre intérêt de la TEP est dans l’évaluation du traitement ; la disparition de l’image correspond à une réponse, alors qu’avec l’IRM le signal « s’éteint » beaucoup plus lentement, et, même si le patient est répondeur, des nodules peuvent persister qui passent pour des lésions actives alors qu’elles ne le sont plus. Ainsi le TEP-scan permet de prédire une meilleure survie sans progression de la maladie si les lésions disparaissent après l’autogreffe.On pense donc que la TEP est supérieure à l’IRM pour l’évaluation de la réponse au traitement, c’est ce que nous voulons démontrer dans l’étude randomisée. »
Sur le plan thérapeutique, l’étude anglaise du Medical Research Council, démontrant l’intérêt de la prévention des lésions osseuses par les biphosphonates injectables (Zometa®) et l’effet bénéfique sur la survie a été à nouveau présentée lors de l’IMW à Paris.